Huit moyens de lutter contre les mauvaises herbes
Spontanées, adaptatives, colonisatrices, envahissantes : certaines adventices sont coriaces. En modifiant certaines pratiques au champ, il est toutefois possible de lutter contre les mauvaises herbes ou, au moins, de limiter la menace.
Au Québec, le dernier bilan fait état de 14 espèces résistantes. Près d’un échantillon sur deux analysés depuis 2011 dans la province présentait au moins une résistance. La petite herbe à poux représente 47 % des cas confirmés de résistance, les autres étant surtout chez l’amarante à racine rouge, l’amarante tuberculée et le canola spontané.
La dispersion frappe aussi l’imaginaire : on ne parle plus seulement d’adventices résistantes en grandes cultures en Montérégie Ouest ou Est, mais de champs maraîchers de Lanaudière ou de cultures commerciales en Chaudière-Appalaches. Des cas ont été repérés dans 13 régions du Québec.
Huit gestes à adopter pour aider à combattre les adventices
Diversifier la protection des cultures
Quand on mise sur le tout chimique, alterner les modes d’action des produits est primordial. « L’utilisation répétée des mêmes produits phytosanitaires, maïs RR sur soya RR, par exemple, sélectionne les espèces résistantes », rappelle David Miville. On devrait pouvoir remonter cinq ans en arrière dans son carnet de champ pour faciliter l’alternance des herbicides.
Dépister ses champs
En attendant les caméras spectrales et les censeurs montés sur tracteur qui quantifieront la pression et identifieront les espèces, le meilleur moyen est encore de marcher les champs, notamment les entrées et les bordures, qui plus est quand ils sont nouvellement loués, en géoréférençant ses observations. Comprendre la biologie de chaque adventice pour connaître ses vulnérabilités est aussi fondamental. Certaines plantes germent tôt sur un court laps de temps, d’autres germent tardivement et de manière continue.
Enrichir la rotation
Sortir du binôme maïs-soya, en introduisant une céréale d’automne ou des plantes fourragères en échangeant des terres avec un voisin, est une bonne stratégie qui comporte en outre d’autres bénéfices agronomiques ou environnementaux. « La diversité des cultures, c’est une clé importance du succès », résume François Labrie.
Occuper l’espace
Avant, pendant ou après les cultures en rangées, des cultures de couverture capables d’occuper l’espace peuvent réduire la pression de mauvaises herbes par une simple compétition sur l’espace et l’eau. D'où l'importance de les mettre au plan de culture.
Travailler le sol
La santé des sols, le semis direct et le travail minimal ont gagné en popularité, mais Peter Sikkema et François Labrie mentionnent l’utilisation stratégique de la charrue pour enfouir des graines d’adventices si profondément qu’elles ne pourront germer – la graine d’amarante tuberculée n’a qu’un diamètre de 0,7 à 1,0 mm – à condition de ne pas labourer chaque année et de remonter les graines. Mike Cowbrough, spécialiste en gestion des mauvaises herbes (MAAARO), estime pour sa part que le sarclage de précision est un moyen important de tuer les mauvaises herbes et de se passer des herbicides. Le génie humain est en marche pour offrir d’autres solutions, notamment les robots de désherbage en grandes cultures, mais ils ne seront pas des solutions à court terme.
Détruire à la récolte
Breanne Tidemann, chercheure d’Agriculture et Agroalimentaire Canada en Alberta, travaille sur les destructeurs comme le Seed Destructor et le Seed Terminator installés à la sortie de la moissonneuse-batteuse et qui détruiraient plus de 99 % des semences d’adventices récoltées. Il faut voir si ces équipements sont justifiés économiquement sur sa propre batteuse, mais les entreprises de travaux à forfait pourraient bénéficier largement de cet outil qui minimise la dispersion.
Nettoyer la machinerie
D’un champ à l’autre et d’une ferme à l’autre dans le cas de l’achat d’une nouvelle machinerie ou de travaux à forfait, un nettoyage méticuleux s’impose. Le site IRIIS phytoprotection recommande aussi de semer et récolter les champs infestés en dernier.
Détecter rapidement les résistances
« Plus on cherche, plus on trouve », mentionne François Labrie, agronome de Sollio Agriculture. L’arrivée des tests moléculaires au LEDP en 2018, qui s’ajoutent aux tests classiques de résistance, permet de détecter en quelques jours la résistance (mutations) directement dans le génome des plantes, ce qui accélère la découverte de biotypes résistants et la réactivité immédiate au champ.
Pour M. Labrie, le bon réflexe de tout conseiller agronomique devrait être d’avoir quelques coups d’avance dans la lutte aux adventices. « Comme l’industrie ne développe plus de nouvelles matières actives parce que celles qui existent sont généralement efficaces et très peu chères, on ne peut pas compter sur de nouvelles solutions de désherbage chimique. Je dirais même que quand on a des produits qui fonctionnent, c’est justement le temps d’alterner les groupes d’herbicides et de trouver des alternatives. L’important, c’est de ne pas vivre ce que l’Ontario a vécu, des infestations d’adventices qui se propagent et un retard à rattraper. »
Source: Coopérateur. La version originale de cet article est initialement parue dans le magazine de mars 2021.