Trois stratégies pour surmonter les défis financiers à la ferme
Si l'augmentation de 1,77 % du prix du lait donnera un coup de pouce aux fermes canadiennes, les producteurs laitiers continuent de faire face à d'importants défis financiers. L'expert en stratégie d'affaires agricoles - production laitière, Nicolas Marquis, rappelle trois tactiques pour y faire face.
L'augmentation du prix de lait à la ferme est calculée en fonction de plusieurs facteurs qui tiennent compte des besoins des producteurs, des transformateurs, des restaurateurs, des détaillants et des consommateurs.
Rappelons que la Commission canadienne du lait avait reporté de trois mois l’augmentation prévue en février 2024, alors que le prix des aliments en épicerie était en hausse.
L'augmentation du prix du lait, ça représente quoi?
Prenons l'exemple d'une ferme laitière qui produit 100 kg de quota. L'augmentation de 1,77 % du prix du lait à la ferme devrait lui rapporter autour de 15 000 $ de plus par année.
Prenons cette même ferme, avec un endettement moyen est de 28 000 $ du kg de quota (donc une dette totale de 2,8 M$). Si elle renouvelle ses prêts en 2024 avec un bond de 4 % en taux d'intérêt, ça lui coûtera environ 53 000 $ par année de plus. Un défi important.
D'ailleurs, le vice-président opérations, Québec et Atlantique pour Financement agricole Canada, Charles Gauvin, mentionnait à une rencontre d’agronomes tenue à Saint-Hyacinthe le 3 avril dernier que 60 % des prêts à taux fixe de FAC arriveront à échéance d'ici deux ans. Et qu'il y a une augmentation de 19 % des fermes qui n'arrivent plus à rembourser leur prêt.
Tout ceci sans compter les coûts de la machinerie, des intrants, de la main-d'oeuvre, etc. qui ont explosé depuis la pandémie. (Par chance, les coûts d’alimentation sont à la baisse.)
Comment se sortir de cette impasse, donc?
1. Générer du revenu : faire son quota
Les coûts sont parfois difficiles à contrôler. Il faut continuer de faire des efforts en ce sens, en faisant attention de ne pas en payer le prix sur la santé du troupeau, la reproduction, les composantes du lait, la productivité, etc.
En plus de travailler à diminuer les coûts, il faut trouver des façons d'aller chercher le revenu potentiel maximum. Il faut bien mesurer la marge alimentaire journalière, soit la paie de lait totale moins les déductions et les coûts d’alimentation. Pour la majorité des fermes, ça veut dire :
Augmenter le revenu net par stalle
Livrer le quota avec le moins de vaches possible (pour sauver les coûts reliés aux animaux en plus à garder).
Pour certaines fermes, la solution pourrait être d’investir en régie et en alimentation. Est-ce que les coûts peuvent augmenter? Peut-être. Mais si les revenus augmentent plus que les coûts et que la marge journalière est plus grande, vous améliorerez votre situation. Petite image pour bien comprendre : refuseriez-vous une augmentation de salaire sous prétexte que vous allez payer plus d'impôts?
2. Faire les journées additionnelles
Bon an mal an, 20 % à 25 % des fermes sont dans le non reportable, mois après mois. Et plusieurs entreprises laitières peinent à faire les journées additionnelles de production.
Parfois, cette situation se produit même avec une productivité élevée, parce que la ferme manque de vaches en lait, faute d’espace.
Cependant, dans d’autres cas, il y aurait un avantage clair à augmenter la production moyenne par vache, même si le coût/kg augmentait légèrement. Parce que ce n’est pas la marge/kg qui fait le revenu d’une vache. C’est cette marge, qui tient compte du revenu et des coûts/kg, multiplié par les kilos livrés.
Parmi les éléments clé pour y arriver :
Avoir suffisant de sujets de remplacement;
Avoir une bonne régie;
Avoir un bon programme de transition pour maximiser les pics de production.
3. Avoir une bonne relation avec son banquier
Le banquier est un important allier pour les producteurs qui se retrouvent dans une situation financière difficile. Il peut par exemple accorder (ou non):
Une réorganisation des prêts, par exemple en augmentant la durée des prêts lorsque c'est possible.
Un moratoire sur le capital (partiel ou total), c'est-à-dire que le producteur paie seulement les intérêts sur la dette pendant une période déterminée.
Le prêteur sera plus enclin à accepter ces demandes s'il évalue que le troupeau est en bonne santé, que la reproduction va bien, qu’il y a beaucoup de vêlages à venir dans la planification laitière, etc. Bref, le banquier veut s’assurer que la ferme livre son quota et qu'elle continuera de le faire dans les prochains mois.
« [Pour aider les producteurs], nous nous assurons premièrement que les entreprises aient le financement optimal en lien avec les actifs possédés et la capacité de remboursement, indique le Vice-président, relations d’affaires et développement des marchés agricole et agroalimentaire au Mouvement Desjardins, Sylvain Morel. Le travail en équipe multidisciplinaire, agriculteur, spécialiste en production laitière de votre coopérative, vétérinaire, conseiller en gestion, comptable et prêteur peut-être judicieux pour l’analyse du projet. »
Par ailleurs, on apprenait récemment que l’UPA travaille sur un projet appelé Bouclier financier, qui consiste en un rabais de 3 % des intérêts pour les fermes en solde négatif. Souhaitons qu’il y ait écoute à cette demande qui serait très positive pour aider les fermes qui font face à des défis financiers importants.
L'augmentation du prix du lait à la ferme, jumelée à ces trois stratégies, devrait vous aider à traverser la tempête. Votre expert-conseil, mais également tous les conseillers qui gravitent autour de la ferme, sont là pour vous soutenir.