Les limites des indicateurs de mesure de la marge alimentaire
Les frais d’alimentation d’une ferme laitière étant un poste de dépenses important, il est normal d’y accorder un suivi rigoureux. Mais pour bien les mesurer, certains indicateurs ont leurs limites, et il faut rester prudent dans leur interprétation.
Différents indicateurs, différents résultats
Le tableau ci-bas représente quatre fermes ayant des marges/kg dans le groupe supérieur, livrant toutes 32 litres en moyenne/vache, à 4 % de gras et 3,2 % de protéine, et affichant les mêmes coûts/tm de fourrages et de concentrés. On constate que ces deux critères d’analyse (ratio kg de lait/kg de concentrés et coût moyen des concentrés/tm) nous donnent des résultats très différents en raison de la quantité de maïs-ensilage dans les rations, passant de 0 à 35 kg. Précisons que les quatre rations servies sont comparables quant à leurs apports en nutriments.
Rations comparables selon la quantité de maïs ensilage (0 à 35 kg)
On voit dans le tableau que les frais d’alimentation peuvent être mesurés sous tous les angles, mais certains critères d’analyse peuvent avoir des valeurs totalement différentes d’une entreprise à l’autre pour une marge alimentaire identique.
Quand vient le temps d’utiliser l’un ou l’autre des indicateurs pour prendre des décisions, il ne faut jamais oublier leurs limites pour ce qui est de l’interprétation et de la comparaison avec d’autres.
Ratio kg de lait/kg de concentrés
Peut-on comparer ces fermes entre elles pour ce qui est du ratio kg de lait/kg de concentrés, qui passe de 3,02 à 4,75? Non. Il est évident que plus nous avons de maïs-ensilage, qui contient du grain, moins il faudra ajouter des concentrés à la ration. Ce ratio passe donc de 4,75/1 pour la ferme no4 à 3,02/1 pour la ferme no1. Cette différence est grande, mais n’affecte en rien la marge/kg de gras, qui est à peu près identique pour les quatre fermes.
Ainsi, on ne peut pas comparer ces fermes à l’aide de ce ratio, car comme mentionné précédemment, elles ne servent pas les mêmes quantités d’ensilage de maïs. Ce ratio n’est pas un gage de rentabilité, mais plutôt un indicateur de la sorte de fourrages servis et de leur qualité.
Si la marge/kg de gras est en deçà des attentes ou des cibles, alors il faudra aller plus loin et voir si c’est le revenu/kg qui pose problème, en raison des composantes du lait, ou si ce sont les coûts/kg qui sont trop élevés, et déterminer leur provenance.
Coût moyen des concentrés/tm
Pour ce qui est du coût moyen des concentrés/tm, est-ce un indicateur fiable? On voit que la ferme no 1 a un coût moyen de concentrés de 322 $/tm, alors qu’il est de 484 $/tm pour la ferme no 4, soit un écart de 162 $/tm, et ce, pour une même marge!
Il est donc impossible de se comparer selon ce critère pour tirer des conclusions. Ces fermes n’achètent pas les mêmes éléments pour compléter leur ration fourragère. La ferme no 1 a besoin principalement d’énergie, soit le maïs-grain, alors que la ferme no 4, qui sert beaucoup de maïs-ensilage, a besoin de protéine. Cette dernière aura toujours besoin de compléter sa ration avec des concentrés, qui sont plus chers à la tonne, mais il lui faudra moins de tonnes.
Rappelons que ces fermes paient toutes le même prix/tm pour leurs intrants et qu’elles ont un prix moyen de concentrés/tm très différent.
L'exemple ci-haut a pour but de vous démontrer que comparer des ratios de kg de lait/kg de concentrés, ou des coûts moyens de concentrés/tm, avec des valeurs très différentes peut fausser vos prises de décisions.
Bien mesurer la marge alimentaire
Depuis 2012, avec le tableau mensuel et maintenant le AgConnexion │ Lactascan, Sollio Agriculture utilise la marge/kg pour mesurer la marge alimentaire. Produire les kilos de gras du quota détenu, multipliés par la meilleure marge/kg possible, c’est l’équation à retenir. Tout le reste, ce sont des indicateurs qui peuvent nous aider à trouver pourquoi le revenu/kg ou les coûts/kg sont plus ou moins élevés que les attentes.
La marge/kg troupeau sera beaucoup influencée par la productivité. Des fermes à 1,20, 1,35 ou 1,50 kg de gras livré/vache peuvent avoir la même marge alimentaire/kg pour les vaches en lactation, mais, après avoir alimenté les sujets de remplacement, avoir une marge troupeau très différente.
Par exemple, livrer 100 kg de gras avec des vaches à 1,20 kg/jour au lieu de 1,50 kg/jour nécessitera 25 % plus de vaches, sans compter les charges qui s’y rattachent. Additionnons à cela les besoins supérieurs en sujets de remplacement, terres, bâtiments, main-d’œuvre, etc., qui peuvent représenter beaucoup d’argent et qui ne se retrouvent pas sur la ligne des frais d’alimentation des vaches en lactation. Les kilos de gras livrés/vache doivent donc faire partie de l’équation.
Et le prix des fourrages dans tout ça? Pour la comparaison, on a utilisé des prix standardisés, mais si on utilisait les prix réels, dans bien des cas on favoriserait une stratégie pour baisser les coûts de fourrages/kg de gras livré. Votre Lactascan, ou un portrait journalier, vous fournira votre bulletin de marge alimentaire. Demandez-le à votre expert-conseil.
Source: Coopérateur. Cet article est initialement paru dans le magazine de mars 2021.